Entre organicité et flux d’images, ma pratique explore les tensions entre représentation et réalité, dans un monde saturé de visuels. Par le biais du dessin, de la photographie ou d’installations numériques, je propose des expériences où l’œuvre redevient matière, rencontre, trouble. L’esthétique y agit comme un leurre, une ouverture vers des couches de lecture plus critiques, nourries d’histoire de l’art, de cultures populaires et de pensée contemporaine.
 

 
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Artiste plasticien formé aux Beaux-Arts de Bordeaux, je développe une pratique plurielle articulée autour du dessin, de la photographie, de la sculpture et du numérique. Mon travail s’organise autour de motifs récurrents : l’organique, l’informe, l’hybridation, la tension entre corps et environnement, entre architecture et paysage, entre visible et dissimulation. Chaque médium convoqué devient le vecteur d’une même recherche : rendre compte de la complexité du vivant, dans sa matière, sa fragilité, ses mutations, ses menaces.

Une esthétique du morcellement et de l’ambiguïté

Mes travaux graphiques (Organique) posaient les bases de cette exploration : dessins à la mine de plomb, minutieux, hyper contrastés, représentant des formes biomorphes, parfois proches de l’écorché ou du végétal, mais toujours ambigus. Cette logique d’ambiguïté — centrale dans ma pratique — s’est ensuite déployée dans mes fresques numériques où la surabondance formelle génère des paysages impossibles, désordonnés, faits de fragments architecturaux ou de structures enchevêtrées. Ces œuvres — telles que Paris, Paris, Paris ou Mo’orea — oscillent entre contemplation et saturation, entre la séduction de la forme et la violence de son contenu.

Je m’appuie sur des matériaux photographiques que je collecte moi-même — fragments urbains, restes industriels, végétaux, architectures historiques ou monuments abandonnés — que je compose ensuite en des images denses, mobiles, parfois déroutantes, évoquant autant l'effondrement que la recomposition. Le travail de la fresque numérique m’offre un terrain de jeu plastique et théorique : ce sont des visions, souvent en forme de cycle ou d’anneau, qui évoquent la répétition, l’effondrement, la reconstruction. On y perçoit une inspiration visuelle venant autant de la peinture romantique (Caspar David Friedrich) que du surréalisme ou du cinéma dystopique (Stalker, Blade Runner).

Le corps et la chair : entre fascination et malaise

L’un des axes fondamentaux de mon travail est la représentation du corps — ou plus exactement, de ce qui en reste. Dans la série photographique Paréidolie, par exemple, des fragments de viande sont photographiés en macrophotographie, sans repère d’échelle, sur fond noir, dans une lumière crue. Ces images, en grand format, questionnent notre rapport à la chair, au dégoût, à la fascination, au symbolique. À travers ce traitement quasi clinique, la matière devient étrangère, presque abstraite, tout en renvoyant à notre propre corporéité.

Cette même tension se retrouve dans mes sculptures hybrides, comme dans la série Bestiaire, où des éléments humains (mains, ossements) se confrontent à des animaux naturalisés ou disparus, dans une esthétique sobre et fragile. Ces pièces interrogent la frontière entre l’humain et l’animal, mais aussi le respect du vivant, la mémoire de ce qui disparaît, et la brutalité des rapports que nous entretenons avec notre environnement biologique.

L’espace et le territoire : paysages recomposés

Mon travail engage également une réflexion sur le paysage, l’histoire des lieux et la mémoire des territoires. Dans Fira / Thira, fresque inspirée de l’île de Santorin, je m’intéresse au croisement entre mythe, géologie et anthropocène. L’œuvre s’organise en cercles concentriques, reprenant la forme de la caldeira, et évoque tout autant l’éruption minoenne que les récits de l’Atlantide. Au centre, une structure architecturale cycladique semble écrasée par la matière minérale, comme une humanité menacée, isolée, reléguée au cœur d’un chaos rocheux en mouvement.

De même, dans Langon, série photographique issue de matières numériques retravaillées, je propose des formes organiques indéfinissables qui semblent émerger ou se dissoudre dans des paysages incertains. Le réel devient alors un réceptacle pour des formes troubles, biologiques mais sans nom, une nature en devenir, ni naturelle, ni totalement fictive.

Une œuvre en mutation

L’ensemble de mon travail forme un écosystème visuel et théorique, où chaque pièce, chaque série, dialogue avec les précédentes. Il ne s’agit pas de documenter le monde, mais d’en formuler des dérives, des strates, des tensions. Mes images, mes objets, mes surfaces, cherchent à déstabiliser le regard tout en maintenant une cohérence esthétique forte : noir et blanc, densité, morcellement, frontalité.

Mon approche plastique est marquée par une volonté d’articuler différents médiums de manière fluide, non hiérarchique. Le numérique, le dessin, la photographie et la sculpture ne sont pas des fins en soi, mais des langages que je croise et hybride, en fonction des enjeux abordés.

 

 

 
"Between organicity and streams of images, my practice explores the tensions between representation and reality in a world saturated with visuals. Through drawing, photography, or digital installations, I offer experiences where the artwork becomes material again, an encounter, a disturbance. Aesthetics act as a lure, an opening towards more critical layers of interpretation, nourished by art history, popular cultures, and contemporary thought."

Trained in fine arts, I am a multidisciplinary visual artist working across drawing, photography, sculpture, and digital fresco. My practice revolves around recurring motifs: the organic, the formless, fragmentation, and the tension between body and environment, architecture and landscape, visibility and erasure. Each medium becomes a tool to explore the same core concern: reflecting the complexity of life in its raw matter, its fragility, its mutations, and its limits.

An Aesthetic of Fragmentation and Ambiguity

My early graphite drawings (Organique) laid the groundwork for this research—detailed, high-contrast renderings of ambiguous biomorphic forms, straddling the line between anatomical and botanical references. This exploration of ambiguity expanded into my digital frescoes, where densely layered, chaotic compositions emerge from architectural fragments and hybrid structures. Works such as Paris, Paris, Paris or Mo’orea oscillate between visual seduction and conceptual violence, inviting both fascination and disorientation.

My process often involves collecting and reassembling photographic material—urban debris, industrial remnants, natural textures, historical facades—which I digitally rearrange into impossible, dystopian landscapes. These compositions often take the shape of cycles or rings, evoking repetition, collapse, and regeneration. Visually, they echo Romantic painting (Caspar David Friedrich), surrealism, and cinematic dystopias (Stalker, Blade Runner).

The Body and Flesh: Between Attraction and Unease

The human body—or rather what remains of it—is another essential thread in my work. In the photographic series Paréidolie, extreme close-ups of raw meat are shown devoid of context or scale. These images confront the viewer with flesh in its most visceral form—fibers, fat, connective tissues—raising questions about intimacy, disgust, and identification. The clinical lighting and large format heighten the tension between the abstract and the visceral, the seen and the repressed.

This tension carries over into my hybrid sculptures, notably in the Bestiaire series, where human elements (hands, bones) interact with preserved animals or remains of extinct species. These works interrogate the blurred boundaries between human and animal, memory and disappearance, life and object.

Space, Landscape, and the Memory of Places

My work also reflects on landscape and its layered histories. The digital fresco Fira / Thira, based on the volcanic island of Santorini, links myth, geology, and the Anthropocene. Structured in concentric rings echoing the island’s caldera, the piece evokes the Minoan eruption and the myth of Atlantis. At its center, traditional Cycladic architecture appears crushed under volcanic debris—a metaphor for a fragile humanity encircled by its own geological past.

In Langon, a photographic series derived from digital forms, organic shapes—neither fully real nor entirely fictional—emerge from uncertain environments. These speculative organisms hint at a reimagined nature, shifting and unclassifiable.

A Shifting Ecosystem

My artistic production forms a visual and conceptual ecosystem, where each work resonates with the others. I don’t aim to document the world, but to construct deviations, tensions, and fractures—visual terrains shaped by ambiguity and metamorphosis. My images and objects are meant to unsettle the gaze while preserving strong aesthetic coherence: density, fragmentation, monochrome, and formal rigor.

I adopt a transversal approach, rejecting any hierarchy between media. Digital tools, drawing, photography, and sculpture act as complementary languages that I combine fluidly, based on the questions I choose to explore.